Enfin, ma chère Éléonore, Tu l'as connu ce péché si charmant, Que tu craignais, même en le désirant ; En le goûtant, tu le craignais encore. Eh bien ! dis-moi : qu'a-t-il donc d'effrayant ? Que laisse-t-il après lui dans ton âme ? Un léger trouble, un tendre souvenir, L'étonnement de sa nouvelle flamme, Un doux regret, et surtout un désir. Déjà la rose aux lis de ton visage Mêle ses brillantes couleurs ; Dans tes beaux yeux, à la pudeur sauvage Succèdent les molles langueurs, Qui de nos plaisirs enchanteurs Sont à la fois la suite et le présage. Ton sein, doucement agité, Avec moins de timidité Repousse la gaze légère Qu'arrangea la main d'une mère, Et que la main du tendre amour, Moins discrète et plus familière, Saura déranger à son tour. Une agréable rêverie Remplace enfin cet enjoûment, Cette piquante étourderie, Qui désespéraient ton amant ; Et ton âme plus attendrie S'abandonne nonchalamment Au délicieux sentiment D'une douce mélancolie. Ah ! laissons nos tristes censeurs Traiter de crime impardonnable Le seul baume pour nos douleurs, Ce plaisir pur, dont un dieu favorable Mit le germe dans tous les coeurs Ne crois pas à leur imposture. Leur zèle hypocrite et jaloux Fait un outrage à la nature : Non, le crime n'est pas si doux.