Laisse-moi raison importune, Cesse d'affliger mon repos, En me faisant mal à propos Désespérer de ma fortune : Tu perds temps de me secourir, Puisque je ne veux point guérir.
Si l'amour en tout son empire, Au jugement des beaux esprits, N'a rien qui ne quitte le prix A celle pour qui je soupire, D'où vient que tu me veux ravir L'aise que j'ai de la servir ?
A quelles roses ne fait honte De son teint la vive fraîcheur ? Quelle neige a tant de blancheur Que sa gorge ne la surmonte ? Et quelle flamme luit aux cieux Claire, et nette comme ses yeux ?
Soit que de ses douces merveilles, Sa parole enchante les sens, Soit que sa voix de ses accents, Frappe les coeurs par les oreilles, A qui ne fait-elle avouer Qu'on ne la peut assez louer ?
Tout ce que d'elle on me peut dire, C'est que son trop chaste penser, Ingrat à me récompenser Se moquera de mon martyre : Supplice qui jamais ne faut Aux désirs qui volent trop haut.
Je l'accorde, il est véritable : Je devais bien moins désirer : Mais mon humeur est d'aspirer Où la gloire est indubitable. Les dangers me sont des appas : Un bien sans mal ne me plaît pas.
Je me rends donc sans résistance A la merci d'elle et du sort : Aussi bien par la seule mort Se doit faire la pénitence D'avoir osé délibérer, Si je la devais adorer.