Ah ! Vous êtes mes soeurs, les âmes qui vivez Dans ce doux nonchaloir des rêves mi-rêvés Parmi l'isolement léthargique des villes Qui somnolent au long des rivières débiles ;
Ames dont le silence est une piété, Ames à qui le bruit fait mal ; dont l'amour n'aime Que ce qui pouvait être et n'aura pas été ; Mystiques réfectés d'hostie et de saint chrême ;
Solitaires de qui la jeunesse rêva Un départ fabuleux vers quelque ville immense, Dont le songe à présent sur l'eau pâle s'en va, L'eau pâle qui s'allonge en chemins de silence...
Et vous êtes mes soeurs, âmes des bons reclus Et novices du ciel chez les visitandines, Ames comme des fleurs et comme des sourdines Autour de qui vont s'enroulant les angélus
Comme autour des rouets la douceur de la laine ! Et vous aussi, mes soeurs, vous qui n'êtes en peine Que d'un long chapelet bénit à dépêcher En un doux béguinage à l'ombre d'un clocher,
Oh ! Vous, mes soeurs, - car c'est ce cher nom que l'église M'enseigne à vous donner, soeurs pleines de douceurs, Dans ce halo de linge où le front s'angélise,
Oh ! Vous qui m'êtes plus que pour d'autres des soeurs Chastes dans votre robe à plis qui se balance, Ô vous mes soeurs en notre mère, le silence !