L'eau des anciens canaux est débile et mentale, Si morne, parmi les villes mortes, aux quais Parés d'arbres et de pignons en enfilade Qui sont, dans cette eau pauvre, à peine décalqués, Eau vieillie et sans force ; eau malingre et déprise De tout élan pour se raidir contre la brise Qui lui creuse trop de rides... Oh ! la triste eau Qui va pleurer sous les ponts noirs et qui s'afflige Des reflets qu'elle doit porter, eau vraiment lige, Et qui lui sont comme un immobile fardeau. Mais, trop âgée, à la surface qui se moire, Elle perd ses reflets, comme on perd la mémoire, Et les délaie en de confus mirages gris. Eau si dolente, au point qu'elle en semble mortelle, Pourquoi si nue et si déjà nulle? Et qu'a-t-elle, Toute à sa somnolence, à ses songes aigris, Pour n'être ainsi plus qu'un traître miroir de givre Où la lune elle-même a de la peine à vivre ?