On aura beau s'abstraire en de calmes maisons, Couvrir les murs de bon silence aux pâles ganses, La vie impérieuse, habile aux manigances, A des tapotements de doigts sur les cloisons.
Dans des chambres sans bruit on aura beau s'enclore, On aura beau vouloir, comme je le voulais, Que le miroir pensif soit de nacre incolore, Un peu de clarté filtre à travers les volets.
Et l'on entend toujours la plainte de la vie ! Car, malgré notre voeu d'exil, nous nous créons Une âme solidaire et qui s'identifie Avec la rue en pleurs dans les accordéons.
Et peut-on empêcher ses vitres sous la pluie D'être comme un visage exsangue, couronné Par des épines d'eau que le vent obstiné Tresse parmi le verre en pleurs, que nul n'essuie !
Vitres pâles, sur qui les rideaux s'échancrant Sont cause que toujours la vie est regardée ; Vitres : cloison lucide et transparent écran Où la pluie est encor de la douleur dardée.
Vitres frêles, toujours complices du dehors, Où même la musique, au loin, qui persévère, Se blesse en traversant le mensonge du verre Et m'apporte sanglants ses rythmes presque morts !
Ainsi la vie encor par les carreaux m'obsède, Car toutes les douleurs sans nom qu'on oubliait : Les cloches, le feuillage - éternel inquiet - La pluie, et jusqu'au cri d'une fleur qui décède,
Tout cela qui gémit parmi le soir tombé Attire mon esprit dans les vitres, doux piège Où les larmes, les glas, les rayons morts, la neige Se mêlent dans le verre à l'azur absorbé.