Si l'on me dédaigne, je laisse La cruelle avec son dédain, Sans que j'attende au lendemain De faire nouvelle maîtresse ; C'est erreur de se consumer À se faire par force aimer.
Le plus souvent ces tant discrètes Qui vont nos amours méprisant Ont au coeur un feu plus cuisant ; Mais les flammes en sont secrètes, Que pour d'autres nous allumons, Cependant que nous les aimons.
Le trop fidèle opiniâtre, Qui, déçu de sa loyauté, Aime une cruelle beauté, Ne semble-t-il point l'idolâtre, Qui de quelque idole impuissant Jamais le secours ne ressent ?
On dit que qui ne se lasse De longuement importuner, Par force enfin se fait donner ; Mais c'est avoir mauvaise grâce, Quoi qu'on puisse avoir de quelqu'un, Que d'être toujours importun.
Voyez-les, ces amants fidèles, Ils sont toujours pleins de douleurs. Les soupirs, les regrets, les pleurs Sont leurs contenances plus belles, Et semble que pour être amants, Il faille plaindre seulement.
Celui doit-il s'appeler homme Qui, l'honneur de l'homme étouffant, Pleure tout ainsi qu'un enfant Pour la perte de quelque pomme ? Ne faut-il plutôt le nommer Un fol qui croit de bien aimer ?
Moi qui veux fuir ces sottises Qui ne donnent que de l'ennui, Sage par le malheur d'autrui J'use toujours de mes franchises, Et ne puis être mécontent Que l'on m'en appelle inconstant.