Je veux bâtir un temple à l'Inconstance. Tous amoureux y viendront adorer, Et de leurs voeux jour et nuit l'honorer, Ayant leur coeur touché de repentance.
De plume molle en sera l'édifice, En l'air fondé sur les ailes du vent, L'autel de paille, où je viendrai souvent Offrir mon coeur par un feint sacrifice.
Tout à l'entour je peindrai mainte image D'erreur, d'oubli et d'infidélité, De fol désir, d'espoir, de vanité, De fiction et de penser volage.
Pour le sacrer, ma légère maîtresse Invoquera les ondes de la mer, Les vents, la lune, et nous fera nommer Moi le templier, et elle la prêtresse.
Elle séant ainsi qu'une Sibylle Sur un trépied tout pur de vif argent Nous prédira ce qu'elle ira songeant D'une pensée inconstante et mobile.
Elle écrira sur des feuilles légères Les vers qu'alors sa fureur chantera, Puis à son gré le vent emportera Deçà delà ses chansons mensongères.
Elle enverra jusqu'au Ciel la fumée Et les odeurs de mille faux serments : La Déité qu'adorent les amants De tels encens veut être parfumée.
Et moi gardant du saint temple la porte, Je chasserai tous ceux-là qui n'auront En lettre d'or engravé sur le front Le sacré nom de léger que je porte.
De faux soupirs, de larmes infidèles J'y nourrirai le muable Protée, Et le Serpent qui de vent allaité Déçoit nos yeux de cent couleurs nouvelles.
Fille de l'air, déesse secourable, De qui le corps est de plumes couvert, Fais que toujours ton temple soit ouvert A tout amant comme moi variable.