Ha, que tu m'es cruelle, Que tu reconois mal Pour t'estre trop fidelle Tout ce que j'ay de mal ! O rebelle endurcie, Quand devôt je te prie Me donner un baiser Pour rafraichir la flâme Qui brusle dans mon ame, Tu la viens rembraizer.
Tu trouves mille ruses Pour ne venir au point : Tu trouves mille excuses Pour ne me baiser point : Ou quelcun nous aguigne, Ou ta soeur te fait signe, Ou tu ois quelque bruit, Ou tu me contreins dire Mon amoureux martire, Tandis le temps s'enfuit.
Tandis s'envole l'heure Emportant le plaisir, Mais l'ennuy me demeure En mon bruslant desir. Tandis que tu delayes, De mille et mille playes Amour navre mon coeur. Ha tandis ha, Francine, Dans ma chaude poitrine S'empire ma langueur.
Francine, tu t'abuses, Si croissant le desir, Tu cuides par tes ruses Croistre aussi le plaisir. " Plus une soif est gloute " Moins le breuvage on goute, " Tant soit-il doucereux : Fust-ce une malvoisie Fust-ce, en si grande envie, Un nectar savoureux.
Mais bien plus je m'abuse De me douter en rien, Que cette fine ruse Tu faces pour mon bien. Tu reçois trop de joye De me voir pris en proye Par l'oyseau Cupidon : Tu te plais trop à rire De me voir en martire Te requerir pardon.
Mais puis qu'ainsi ta joye Est en mon deplaisir, Tout mon coeur je t'otroye, Genne-le de desir : Bien plustost que je n'aye Ce confort de la playe Qu'amour fait en mon coeur, J'acheteray, farrouche, Un baiser de ta bouche, Pour la mesme langueur.