L'Amour qui me tourmente Je trouve si plaisant Que tant plus il s'augmente Moins j'en veux estre exemt : Bien que jamais le somme Ne me ferme les yeux, Plus amour me consomme Moins il m'est ennuyeux.
Toute la nuit je veille Sans cligner au sommeil, Remembrant la merveille Qui me tient en éveil, Me representant celle Que je voy tout le jour, De qui l'image belle Travaille mon sejour.
Toute nuit son image Se montre devant moy : Le trait de son visage Tout tel qu'il est je voy : Je voy sa belle bouche, Et je voy son beau sein, Ses beaux tetins je touche, Et je baise sa main.
Le jour si ma Maistresse Favorable m'a ris, Il faut que j'en repesse Toute nuit mes espris. Si d'une oeillade gaye Elle m'a fait faveur, La nuit sa douce playe Me chatouille le coeur.
S'elle égaye la place De son bal gracieux, Toute la nuit sa grace Recourt devant mes yeux : Si en douce merveille J'ay ouy sa chanson, Toute nuit en l'oreille J'en regoute le son.
O heureuse ma vie De jouïr d'un tel heur ! Non, non, je n'ay envie D'avoir d'un dieu l'honneur, Puis qu'à souhet je passe Et la nuit et le jour, Recueillant tant de grace Du tourment de l'amour.