Non autrement qu'on voit d'une torche allumée Par le vague de l'air se perdre la fumée, Ainsi j'ai vu mes jours se perdre en un moment : Mes tristes os vidés d'humeurs et de mouëlles, Décharnés, et recuits au feu de mon tourment Sont prêts d'être allumés comme sèches brindèles.
La violente ardeur de ma longue misère Et les brûlants éclairs de ta juste colère Comme l'herbe fauchée ont mon coeur desséché. Le jeûne m'a la chair, et la force ravi. La maigreur a mes os à l'écorce attaché : Les pleurs ont épuisé les sources de ma vie.
L'Hôte des cois déserts de l'Egypte fumante Etrangle ses petits, puis se deult, se tourmente, Se tue, et de son sang les remet en vigueur ; De même j'ai la vie à mon âme ravie, Je lamente sa mort, et matté de langueur, Je veux par mon trépas lui redonner la vie.
Comme un Hibou plaintif haineux de la lumière, Je m'écarte, je fuis la maison coutumière, Jamais le doux sommeil ne vient siller mes yeux. Je ressemble à l'oiseau qu'on nomme solitaire, Je vais cherchant retraite aux plus funestes lieux, Je veux cacher mon mal, et si ne puis le taire.