Heureuse solitude, Seule béatitude, Que votre charme est doux ! De tous les biens du monde, Dans ma grotte profonde, Je ne veux plus que vous !
Qu'un vaste empire tombe, Qu'est-ce au loin pour ma tombe Qu'un vain bruit qui se perd ; Et les rois qui s'assemblent, Et leurs sceptres qui tremblent, Que les joncs du désert ?
Mon Dieu ! la croix que j'aime, En mourant à moi-même, Me fait vivre pour toi. Ta force est ma puissance, Ta grâce ma défense, Ta volonté ma loi.
Déchu de l'innocence, Mais par la pénitence Encor cher à tes yeux, Triomphant par tes armes, Baptisé par tes larmes, J'ai reconquis les cieux.
Souffrant octogénaire, Le jour pour ma paupière N'est qu'un brouillard confus. Dans l'ombre de mon être, Je cherche à reconnaître Ce qu'autrefois je fus.
Ô mon père ! ô mon guide ! Dans cette Thébaïde Toi qui fixas mes pas, Voici ma dernière heure ; Fais, mon Dieu, que je meure Couvert de ton trépas !
Paul, ton premier ermite, Dans ton sein qu'il habite, Exhala ses cent ans. Je suis prêt; frappe, immole. Et qu'enfin je m'envole Au séjour des vivants.