Je suis l'Ancien, je suis le Mâle et la Femelle, L'Océan d'où tout sort, où tout rentre et se mêle ; Je suis le Dieu sans nom, aux visages divers ; Je suis l'Illusion qui trouble l'univers. Mon âme illimitée est le palais des êtres ; Je suis l'antique Aïeul qui n'a pas eu d'ancêtres. Dans mon rêve éternel flottent sans fin les cieux ; Je vois naître en mon sein et mourir tous les dieux. C'est mon sang qui coula dans la première aurore ; Les nuits et les matins n'existaient pas encore, J'étais déjà, planant sur l'océan obscur. Et je suis le Passé, le Présent, le Futur ; Je suis la large et vague et profonde Substance Où tout retourne et tombe, et tout reprend naissance, Le grand corps immortel qui contient tous les corps : Je suis tous les vivants et je suis tous les morts. Ces mondes infinis, que mon rêve a fait naître, - Néant, offrant pour vous l'apparence de l'être -, Sont, lueur passagère et vision qui fuit, Les fulgurations dont s'éclaire ma nuit. - Et si vous me demandez pourquoi tant de mensonges, Je vous réponds : " Mon âme avait besoin de songes, D'étoiles fleurissant sa morne immensité, Pour distraire l'horreur de son éternité !... "