La Parque si terrible A tous les animaux, Plus ne me semble horrible, Car le moindre des maux, Qui m'ont fait si dolent, Est bien plus violent. Comme d'une fontaine Mes yeux sont dégouttants, Ma face est d'eau si pleine Que bientôt je m'attends Mon coeur tant soucieux Distiller par les yeux. De mortelles ténèbres Lis sont déjà noircis, Mes plaintes sont funèbres, Et mes membres transis Mais je ne puis mourir, Et si ne puis guérir. La fortune amiable E st ce pas moins que rien ? O que tout est muable En ce val terrien ! Hélas, je le connais Que rien tel ne craignais. Langueur me tient en laisse, Douleur me fuit de près, Regret point ne me laisse, Et crainte vient après Bref, de jour, et de nuit, Toute chose me nuit. La verdoyant' campagne, Le fleuri arbrisseau, Tombant de la montagne, Le murmurant ruisseau, De ces plaisirs jouir Ne me peut réjouir. La musique sauvage Du rossignol au bois Contriste mon courage, Et me déplaît la voix De tous joyeux oiseaux, Qui sont au bord des eaux. Le cygne poétique Lors qu'il est mieux chantant, Sur la rive aquatique Va sa mort lamentant. Las ! tel chant me plaît bien, Comme semblable au mien. La voix répercussive En m'oyant lamenter De ma plainte excessive Semble se tourmenter, Car cela que j'ai dit Toujours elle redit. Ainsi la joie et l'aise Me vient de deuil saisir, Et n'est qui tant me plaise Comme le déplaisir. De la mort en effet L'espoir vivre me fait. Dieu tonnant, de ta foudre Viens ma mort avancer, Afin que soie en poudre Premier que de penser Au plaisir que j'aurai Quand ma mort je saurai.