Une nuit que le dieu Morphée, Sur ma paupière comprimée Distillait ses plus doux pavots, Je vis en songe dans la nue, Un vieillard à tête chenue, Qui me fit entendre des mots :
Bellone va fuir exilée, L'Europe de sang abreuvée La repousse au fond des déserts ; Et Georges ce roi formidable, Domptant le Français indomptable, Rendra la paix à l'univers.
Tremble ennemi fier et perfide, Et de ta fureur homicide Suspends les effets impuissants ; Albion se rit de ta haine, Et des peuples que tu enchaînes, Il brisera les fers sanglants.
Mais... quelle heureuse scène s'ouvre ! L'avenir à moi se découvre...! Déjà je vois mille vaisseaux Sillonnant les plaines liquides, Et les Pilotes moins timides Ne redouter plus que les flots.
Mars s'enfuit, le carnage cesse ; La paix cette aimable déesse Va réunir tous les mortels, Et bientôt dans ces jours prospères Les hommes redevenus frères, Iront encenser ses autels.
La concorde enfin va renaître, A sa suite on verra paraître L'aurore du plus heureux jour ; Et dans leurs champs rendus fertiles Les laboureurs libres, tranquilles, Béniront la paix à leur tour.
Il dit ; et soudain je m'écrie : O vieillard ! dont la prophétie Comblerait notre ardent désir, Que sais-tu de nos destinées ? Je suis le père des années Dit-il, et je vois l'avenir.
A ces mots, le vieillard s'envole, Et d'un songe hélas trop frivole Je crûs qu'il m'avait abusé ; Mais les succès de l'Angleterre, Sauront réaliser j'espère, Ce que Le Temps m'a révélé.