L'haleine d'une fleur sauvage, En passant tout près de mon coeur, Vient de m'emporter au rivage, Où naguère aussi j'étais fleur : Comme au fond d'un prisme où tout change, Où tout se relève à mes yeux, Je vois un enfant aux yeux d'ange : C'était mon petit amoureux !
Parfum de sa neuvième année, Je respire encor ton pouvoir ; Fleur à mon enfance donnée, Je t'aime ! comme son miroir. Nos jours ont séparé leur trame, Mais tu me rappelles ses yeux ; J'y regardais flotter mon âme : C'était mon petit amoureux !
De blonds cheveux en auréole, Un regard tout voilé d'azur, Une brève et tendre parole, Voilà son portrait jeune et pur : Au seuil de ma pauvre chaumière Quand il se sauvait de ses jeux, Que ma petite âme était fière ; C'était mon petit amoureux !
Cette ombre qui joue à ma rive Et se rapproche au moindre bruit, Me suit, comme un filet d'eau vive, A travers mon sentier détruit : Chaste, elle me laisse autour d'elle Enlacer un chant douloureux ; Hélas ! ma seule ombre fidèle, C'est vous ! mon petit amoureux !
Femme ! à qui ses lèvres timides Ont dit ce qu'il semblait penser, Au temps où nos lèvres humides Se rencontraient sans se presser ; Vous ! qui fûtes son doux Messie, L'avez-vous rendu bien heureux ? Du coeur je vous en remercie : C'était mon petit amoureux !