Couchez-vous, petit Paul ! Il pleut. C'est nuit : c'est l'heure. Les loups sont au rempart. Le chien vient d'aboyer. La cloche a dit : "Dormez !" et l'ange gardien pleure, Quand les enfants si tard font du bruit au foyer.
"Je ne veux pas toujours aller dormir ; et j'aime A faire étinceler mon sabre au feu du soir ; Et je tuerai les loups ! Je les tuerai moi-même !" Et le petit méchant, tout nu ! vint se rasseoir.
Où sommes-nous ? mon Dieu ! donnez-nous patience ; Et surtout soyez Dieu ! Soyez lent à punir : L'âme qui vient d'éclore a si peu de science ! Attendez sa raison, mon Dieu ! dans l'avenir.
L'oiseau qui brise l'oeuf est moins près de la terre, Il vous obéit mieux : au coucher du soleil, Un par un descendus dans l'arbre solitaire, Sous le rideau qui tremble ils plongent leur sommeil.
Au colombier fermé nul pigeon ne roucoule ; Sous le cygne endormi l'eau du lac bleu s'écoule, Paul ! trois fois la couveuse a compté ses enfants ; Son aile les enferme ; et moi, je vous défends !
La lune qui s'enfuit, toute pâle et fâchée, Dit : "Quel est cet enfant qui ne dort pas encor ?" Sous son lit de nuage elle est déjà couchée ; Au fond d'un cercle noir la voilà qui s'endort.
Le petit mendiant, perdu seul à cette heure, Rôdant avec ses pieds las et froids, doux martyrs ! Dans la rue isolée où sa misère pleure, Mon Dieu ! qu'il aimerait un lit pour s'y blottir !"
Et Paul, qui regardait encore sa belle épée, Se coucha doucement en pliant ses habits : Et sa mère bientôt ne fut plus occupée Qu'à baiser ses yeux clos par un ange assoupis !