Mon seul amour ! embrasse-moi. Si la mort me veut avant toi, Je bénis Dieu ; tu m'as aimée ! Ce doux hymen eut peu d'instants : Tu vois ; les fleurs n'ont qu'un printemps, Et la rose meurt embaumée. Mais quand, sous tes pieds renfermée, Tu viendras me parler tout bas, Crains-tu que je n'entende pas ?
Je t'entendrai, mon seul amour ! Triste dans mon dernier séjour, Si le courage t'abandonne ; Et la nuit, sans te commander, J'irai doucement te gronder, Puis te dire : "Dieu nous pardonne !" Et, d'une voix que le ciel donne, Je te peindrai les cieux tout bas : Crains-tu de ne m'entendre pas ?
J'irai seule, en quittant tes yeux, T'attendre à la porte des Cieux, Et prier pour ta délivrance. Oh ! dussé-je y rester longtemps, Je veux y couler mes instants A t'adoucir quelque souffrance ; Puis un jour, avec l'Espérance, Je viendrai délier tes pas ; Crains-tu que je ne vienne pas ?
Je viendrai, car tu dois mourir, Sans être las de me chérir ; Et comme deux ramiers fidèles, Séparés par de sombres jours, Pour monter où l'on vit toujours, Nous entrelacerons nos ailes ! Là, nos heures sont éternelles : Quand Dieu nous l'a promis tout bas, Crois-tu que je n'écoutais pas ?