Brusque, avec un frisson De frayeur et de fièvre, On voit le petit lièvre S'échapper du buisson. Ni mouche ni pinson ; Ni pâtre avec sa chèvre, La chanson Sur la lèvre.
Tremblant au moindre accroc, La barbe hérissée Et l'oreille dressée, Le timide levraut Part et se risque au trot, Car l'aube nuancée N'est pas trop Avancée.
N'entend-il pas quelqu'un ? Non ! ce n'est que la brise Qui caresse et qui grise Son petit corps à jeun. Et dans le taillis brun Le fou s'aromatise Au parfum Du cytise.
Dans le matin pâlot, Leste et troussant sa queue, Il fait plus d'une lieue D'un seul trait, au galop. Il s'arrête au solo Du joli hoche-queue, Près de l'eau Verte et bleue.
Terrains mous, terrains durs, En tout lieu son pied trotte : Et poudreux, plein de crotte, Ce rôdeur des blés mûrs Hante les trous obscurs Où la source chevrote, Les vieux murs Et la grotte.
L'aube suspend ses pleurs Au treillis des barrières, Et sur l'eau des carrières Fait flotter ses couleurs. Et les bois roucouleurs, L'herbe des fondrières Et les fleurs Des clairières,
L'if qui se rabougrit, Le roc vêtu d'ouate Où le genêt s'emboîte, La forêt qui maigrit, La mare qui tarit, L'ornière creuse et moite : Tout sourit Et miroite.
Et dans le champ vermeil Où s'épuise la sève, Le lièvre blotti rêve D'un laurier sans pareil ; Et toujours en éveil Il renifle sans trêve Au soleil Qui se lève.