L'univers est un temple où l'on voit l'injustice Se targuer sur l'autel, un sceptre dans la main. La modeste vertu, victime du dédain ; Y marche l'oeil baissé devant l'éclat du vice ; Et les pâles talents, couchés sur des grabats, Y veillent consumés, par la faim qui les presse, Tandis que, s'égayant, chantant dans la paresse, L'ignorance au teint frais s'endort dans le damas. [...] Quand le teint du soleil s'obscurcit de pâleur, Quand tout autour de moi respire la tristesse, Mon coeur est soulagé, je sens moins mon malheur ; Je crois que la nature à mon sort s'intéresse ; Je crois que, courroucé d'avoir vu les humains Refuser des secours à mes tristes destins, Le ciel ne daigne pas leur prêter sa lumière... Ou plutôt il me semble, et j'en suis consolé, Que tout est comme moi plaintif et désolé. J'aime à me retracer ma nouvelle carrière : Mon lit sera la feuille, un antre ma chaumière, L'herbe ma nourriture, et l'onde ma boisson, Mes plaisirs l'innocence, et mon bien la raison. [...]