Heureuse est la peine De qui le plaisir À sur foi certaine Assis son désir. L'on peut assez en servant requérir, Sans toutefois par souffrir acquérir Ce que l'on pourchasse Par trop désirer, Dont en male grâce Se faut retirer.
Car un tel service Ne prétend qu'au point, Qui par commun vice L'honneur pique, et point. Et ce travail en fumée devient Toutes les fois, que la raison survient, Qui toujours domine Tout coeur noble, et haut, Et peu à peu mine Le plaisir, qui faut.
Mais l'attente mienne Est le désir sien D'être toute sienne, Comme il sera mien. Car quand Amour à Vertu est uni, Le coeur conçoit un désir infini, Qui toujours désire Tout bien haut et saint, Qui de doux martyre L'environne, et ceint.
Car il lui engendre Une ardeur de voir, Et toujours apprendre Quelque haut savoir : Le savoir est ministre de Vertu, Par qui Amour vicieux est battu, Et qui le corrige, Quand dessus le coeur Par trop il s'érige Pour être vainqueur.
C'est pourquoi travaille En moi cet espoir, Qui désir me baille Et voir, et savoir. Étant ainsi mon espoir assuré, je ne crains point qu'il soit démesuré : Mais veux bien qu'il croisse De plus en plus fort, À fin qu'apparoisse Mon coeur ferme, et fort.
Et que toujours voie, Travaillant ainsi, Tenir droit la voie D'immortel souci. Si donc il veut en si haut lieu monter Qu'il puisse Amour en la Mort surmonter, Sa caduque vie Devra soulager D'une chaste envie Pour l'accourager.
Ainsi m'accompagne Un si haut désir Que pour lui n'épargne Moi, ni mon plaisir.