Poètes à venir, qui saurez tant de choses, Et les direz sans doute en un verbe plus beau, Portant plus loin que nous un plus large flambeau Sur les suprêmes fins et les premières causes ;
Quand vos vers sacreront des pensers grandioses, Depuis longtemps déjà nous serons au tombeau ; Rien ne vivra de nous qu'un terne et froid lambeau De notre oeuvre enfouie avec nos lèvres closes.
Songez que nous chantions les fleurs et les amours Dans un âge plein d'ombre, au mortel bruit des armes, Pour des coeurs anxieux que ce bruit rendait sourds ;
Lors plaignez nos chansons, où tremblaient tant d'alarmes, Vous qui, mieux écoutés, ferez en d'heureux jours Sur de plus hauts objets des poèmes sans larmes.