Nature, accomplis-tu tes oeuvres au hasard, Sans raisonnable loi ni prévoyant génie ? Ou bien m'as-tu donné par cruelle ironie Des lèvres et des mains, l'ouïe et le regard ?
Il est tant de saveurs dont je n'ai point ma part, Tant de fruits à cueillir que le sort me dénie ! Il voyage vers moi tant de flots d'harmonie, Tant de rayons qui tous m'arriveront trop tard !
Et si je meurs sans voir mon idole inconnue, Si sa lointaine voix ne m'est point parvenue, A quoi m'auront servi mon oreille et mes yeux ?
A quoi m'aura servi ma main hors de la sienne ? Mes lèvres et mon coeur, sans qu'elle m'appartienne ? Pourquoi vivre à demi quand le néant vaut mieux ?