Étant seulet auprès d'une fenêtre, Par un matin comme le jour poignait, Je regardais Aurore à main senestre Qui à Phébus le chemin enseignait. Et, d'autre part, ma mie qui peignait Son chef doré ; et vis ses luisants yeux, Dont me jeta un trait si gracieux Qu'à haute voix je fus contraint de dire : " Dieux immortels, rentrez dedans vos cieux, Car la beauté de Ceste vous empire. "
Comme Phébé quand ce bas lieu terrestre Par sa clarté la nuit illuminait, Toute lueur demeurait en séquestre, Car sa splendeur toutes autres minait ; Ainsi ma dame en son regard tenait Tout obscurci le soleil radieux, Dont, de dépit, lui triste et odieux Sur les humains lors ne daigna plus luire, Pourquoi lui dis : " Vous faites pour le mieux, Car la beauté de Ceste vous empire. "
Ô que de joie en mon coeur sentis naître, Quand j'aperçus que Phébus retournait, Déjà craignant qu'amoureux voulût être, De la douceur qui mon coeur détenait. Avais-je tort ? Non, car s'il y venait Quelque mortel, j'en serais soucieux ; Devais-je pas doncques craindre les Dieux, Et d'espérer, pour fuir un tel martyre, En leur criant : " Retournez en vos cieux, Car la beauté de Ceste vous empire ? "
Coeur qui bien aime a désir curieux D'étranger ceux qu'il pense être envieux De son amour, et qu'il doute lui nuire, Pourquoi j'ai dit aux Dieux très glorieux : " Que la beauté de Ceste vous empire ! "