Vous laissez tomber vos mains rouges, Vigne vierge, vous les laissez tomber Comme si tout le sang du monde était sur elles.
A leur frisson, toute la balustrade bouge, Tout le mur saigne, Ô vigne vierge... Tout le ciel est imbibé D'une même lumière rouge.
C'est comme un tremblement d'ailes rouges qui tombent, D'ailes d'oiseaux des îles, d'ailes Qui saignent. C'est la fin d'un règne - Ou quelque chose de plus simple infiniment.
Ce sont les pieds palmés de hauts flamants Ou de fragiles pattes de colombes Qui marchent dans l'allée. (Où vont-elles, si rouges ?) Leurs traces étoilées Rejoignent l'autre vigne, où l'on vendange. Si rouge, Est-ce déjà le sang des cuves pleines ? Ah ! simplement la fête des vendanges, Simplement n'est-ce pas ?
Et pourtant, que vos mains sont tremblantes ! Leurs veines Se rompent une à une... Tant de sang... Et cette odeur si fade, étrange. Ces mains qui tombent d'un air las, Ô vigne vierge, d'un air las et comme absent, Ces mains abandonnées...
(Lady Macbeth n'eut-elle pas ce geste Après avoir frotté la tache si longtemps ?)
Mains qui se crispent, mains qui restent En lambeaux rouges sur octobre palpitant ; Dites, oh ! dites chaque année Etes-vous les mains meurtrières de l'Automne ?
Ou chaque année, Sans rien qui s'en émeuve ni personne, Des mains assassinées Qui flottent au fil rouge de l'automne ?