Alors que dans ton sein mon Portraict fut tracé, Le Portraict de Tibere en fût-il effacé ? Ou des-accoustumé du visage d'un traistre, L'as-tu veû sans le voir et sans le reconnoistre ? Je t'excuse pourtant, non, tu ne l'as point veû, Il estoit trop masqué pour estre reconnû ; Un homme franc, ouvert, sans haine, sans colere, Incapable de peur, ce n'est point là Tibere ; Dans tout ce qu'il paroist, Tibere n'est point là : Mais Tibere est caché derriere tout cela ; De monter à son Thrône il ne m'a poursuivie Qu'à dessein d'espier s'il me faisoit envie ; Et pour peu qu'à son offre il m'eût veû balancer, Conclurre aveuglément que je l'en veus chasser : Mais quand il agiroit d'une amitié sincere, Quand le ressentiment des bien-faits de mon Pere, Ou quand son repentir eust mon chois appellé A la possession du bien qu'il m'a vollé, Sçache que je préféré à l'or d'une Couronne Le plaisir furieux que la vengeance donne ; Point de Sceptre aux despens d'un si noble courroux, Et du voeu qui me lie à venger mon Espoux. Mais bien loin qu'acceptant la suprême Puissance Je perde le motif d'une juste vengeance : Je veux qu'il la retienne, afin de maintenir Agrippine et sa race au droict de le punir ; Si je l'eusse accepté, ma vengeance assouvie N'auroit peû sans reproche attenter sur sa vie, Et je veux que le rang qu'il me retient à tort Me conserve tousjours un motif pour sa mort. D'ailleurs c'est à mon fils qu'il remettoit l'Empire ; Est-ce au nom de subjet où ton grand coeur aspire ? Penses-y meurement, quel que soit ton dessein, Tu ne m'espouseras que le Sceptre à la main. Mais adieu, va sonder où tend tout ce mystere, Et confirme tousjours mon refus à Tybere.