Les bons amants deux coeurs en un assemblent, Penser, vouloir, mettent en un désir, Un chemin vont, jamais ne se dessemblent ; Ce que l'un veut, l'autre l'a à plaisir. Point ne les vient jalousie saisir En vrai amour, car de mal n'ont envie Amour est bonne ; jaloux ont male vie.
En telle amour l'un l'autre ne mécroit, Jamais entre eux n'a aucun contredit, Ce que l'un dit, pour vrai l'autre le croit ; Nul refus n'a entre eux, en fait ni dit ; L'un pense bien que l'autre n'a rien dit Que vérité, et que point ne ferait Aucune chose que faire ne devrait.
Si par fortune adversité advient A celle dame qui en amour le tient, Ou si malade soudainement devient De meilleur coeur il l'aime et l'entretient ; La douleur d'elle en son coeur il soutient. Plus l'aimera ainsi par vérité, Qu'il ne fera en sa prospérité.
Et si, par mort, l'un d'eux est départi, Le survivant jà autre n'aimera, Ni ne prendra jamais autre parti Car en son coeur l'amour de l'autre aura ; Comment haïr l'ami soudain pourra Ce qu'il aimait de coeur si doucement ! Possible n'est de le faire aucunement.
Voyez la teurtre* , qui tant ce fait escorte ; Quand l'une d'elles sa compagne tôt perd, La survivante toujours sur branche morte Prendra repos en grand regret expert. Chacun connaît que c'est un fait apert Car sa nature à telle amour ouverte Qu'el' ne s'assied plus dessus branche verte.