Un lion habitait près d'une source ; un aigle Y venait boire aussi. Or, deux héros, un jour, deux rois - souvent Dieu règle La destinée ainsi -
Vinrent à cette source où des palmiers attirent Le passant hasardeux, Et, s'étant reconnus, ces hommes se battirent Et tombèrent tous deux.
L'aigle, comme ils mouraient, vint planer sur leurs têtes, Et leur dit, rayonnant : - Vous trouviez l'univers trop petit, et vous n'êtes Qu'une ombre maintenant !
Ô princes ! et vos os, hier pleins de jeunesse, Ne seront plus demain Que des cailloux mêlés, sans qu'on les reconnaisse, Aux pierres du chemin !
Insensés ! à quoi bon cette guerre âpre et rude, Le duel, ce talion ?... Je vis en paix, moi l'aigle, en cette solitude, Avec lui, le lion.
Nous venons tous deux boire à la même fontaine, Rois dans les mêmes lieux ; Je lui laisse le bois, la montagne et la plaine, Et je garde les cieux.