... Partout la mort. Eh bien, pas une plainte. Ô blé que le destin fauche avant qu'il soit mûr ! Ô peuple !
On les amène au pied de l'affreux mur. C'est bien. Ils ont été battus du vent contraire. L'homme dit au soldat qui l'ajuste : Adieu, frère. La femme dit : - Mon homme est tué. C'est assez. Je ne sais s'il eut tort ou raison, mais je sais Que nous avons traîné le malheur côte à côte ; Il fut mon compagnon de chaîne ; si l'on m'ôte Cet homme, je n'ai plus besoin de vivre. Ainsi Puisqu'il est mort, il faut que je meure. Merci. - Et dans les carrefours les cadavres s'entassent. Dans un noir peloton vingt jeunes filles passent ; Elles chantent ; leur grâce et leur calme innocent Inquiètent la foule effarée ; un passant Tremble. - Où donc allez-vous ? dit-il à la plus belle. Parlez. - Je crois qu'on va nous fusiller, dit-elle. Un bruit lugubre emplit la caserne Lobau ; C'est le tonnerre ouvrant et fermant le tombeau. Là des tas d'hommes sont mitraillés ; nul ne pleure ; Il semble que leur mort à peine les effleure, Qu'ils ont hâte de fuir un monde âpre, incomplet, Triste, et que cette mise en liberté leur plaît. Nul ne bronche. On adosse à la même muraille Le petit-fils avec l'aïeul, et l'aïeul raille, Et l'enfant blond et frais s'écrie en riant : Feu ! [...]