Les siècles sont au peuple ; eux, ils ont le moment, Ils en usent. Ô lutte étrange ! Acharnement ! Chacun à grand bruit coupe une branche de l'arbre. Là, des éclats d'airain, là, des éclats de marbre ; La colonne romaine ainsi que l'arc français Tombent. Que dirait-on de toi si tu faisais Envoler ton lion de Saint-Marc, ô Venise ! L'histoire est balafrée et la gloire agonise. Quoi qu'on puisse penser de la France d'hier, De cette rude armée et de ce peuple fier, Et de ce que ce siècle à son troisième lustre Avait rêvé, tenté, voulu, c'était illustre. Pourquoi l'effacement ? qu'a-t-on créé d'ailleurs Pour les déshérités et pour les travailleurs ? A-t-on fermé le bagne ? A-t-on ouvert l'école ? On détruit Marengo, Lodi, Wagram, Arcole ; A-t-on du moins fondé le droit universel ? Le pauvre a-t-il le toit, le feu, le pain, le sel ? A-t-on mis l'atelier, a-t-on mis la chaumière Sous une immense loi de vie et de lumière ? A-t-on déshonoré la guerre en renonçant A l'effusion folle et sinistre du sang ? A-t-on refait le code à l'image du juste ? A-t-on bâti l'autel de la clémence auguste ? A-t-on édifié le temple où la clarté Se condense en raison et devient liberté ? A-t-on doté l'enfant et délivré la femme ? A-t-on planté dans l'homme, au plus profond de l'âme, L'arbre du vrai, croissant de l'erreur qui décroît ? Offre-t-on au progrès, toujours trop à l'étroit, Quelque élargissement d'horizon et de route ? Non ; des ruines ; rien. Soit. Quant à moi, je doute Qu'on soit quitte pour dire au peuple murmurant : Ce qu'on fait est petit, mais ce qu'on brise est grand.