Sus, Bergers, qu'on se réjouisse, Et que chacun de nous jouisse Des faveurs qu'Amour lui départ : Ce bel âge nous y convie, On ne peut trop tôt ni trop tard Goûter les plaisirs de la vie.
Suivons ce petit Roi des âmes, De qui les immortelles flammes Gardent Nature de périr : Choisissons-le pour notre maître, Et ne craignons point de mourir Pour celui qui nous a fait naître.
Les oiseaux des bois et des plaines Chantent leurs amoureuses peines, Qui renaissent au renouveau, Glorieux au mois où nous sommes, De brûler du même flambeau Qui brûle les Dieux et les hommes.
L'Astre doré qui sort de l'onde, Promet le plus beau jour au monde, Que puissent choisir nos désirs : Tout rit à sa clarté première, Qui semble apporter les plaisirs En nous apportant la lumière.
Déjà les plus belles Bergères Sont assises sur les fougères, Chacune avecques son Amant : Un beau feu leur âme consume, Et nous autres sans mouvement Sommes encore dans la plume.
Fuyons cette molle demeure. Il faut chérir cette belle heure Pendant qu'on en est possesseur : Tout le reste de la journée N'a rien d'égal à la douceur Des plaisirs de la matinée.
En l'Orient de nos années Tout le soin de nos destinées Ne tend qu'à nous rendre contents, Les délices en sont voisines, Et l'Amour ami du Printemps, A plus de fleurs, et moins d'épines.
Lorsque ce bel âge s'écoule, Les soucis nous viennent en foule, Vénus se retire autre part : Conservons-en toujours l'envie : On ne peut trop tôt ni trop tard Goûter les plaisirs de la vie.