Et moi seul resterai-je en proie à la tristesse ? Passerai-je sans fruit la fleur de ma jeunesse ? Que me servent ces biens dont en toute saison Le voisin envieux voit combler ma maison ? Que me sert que mes blés soient l'honneur des campagnes ? Que les vins à ruisseaux me coulent des montagnes ? Ni que me sert de voir les meilleurs ménagers Admirer mes jardins, mes parcs et mes vergers, Où les arbres plantés d'une égale distance Ne périssent jamais que dessous l'abondance ? Ce n'est point en cela qu'est le contentement, Tout se change ici bas de moment en moment, Qui le pense trouver aux richesses du monde Bâtit dessus le sable, ou grave dessus l'onde, Ce n'est qu'un peu de vent que l'heur du genre humain, Ce qu'on est aujourd'hui l'on ne l'est pas demain, Rien n'est stable qu'au Ciel, le temps et la fortune Règnent absolument au-dessous de la lune.